Le ch’an (zen en japonais) est le produit subtil et radical de l’infusion de l’enseignement du Bouddha dans la pensée taoïste chinoise de Lao-tzu et Chuang-tzu. Pour les célèbres sages et philosophes taoïstes Lao-tzu (5 e s. avant), auteur légendaire du Classique du tao et de ses vertus, et Chuang-tzu (4 e s. avant), le tao signifie la manière d’être, d’agir et de penser la vie et le monde selon l’harmonie spontanée et organique, immanente, de la nature. Il est à la fois le cours des choses et l’énergie primordiale au cœur du cours des choses, et par extension la voie spirituelle de l’accord au cours des choses, au flux de l’instant éternellement présent.
Le bouddhisme ch’an connut son âge d’or en Chine entre les 7e et 9e siècles, avec les grands maîtres Hui-neng, Ma-tsu, Po-chang, Huang-po et Lin-tsi. Les temples où ils enseignaient attiraient peintres et poètes, qui puisaient là une profonde inspiration créatrice. Le mot ch’an 禪 est la transcription phonétique chinoise du sanscrit dhyana, “contemplation”. Zen en est la transcription japonaise. Pour le ch’an, le zen donc, seul importe l’éveil à l’identité de notre nature véritable, originelle, et de l’univers, l’expérience de l’identité du monde phénoménal et de l’absolu, la saisie de la réalité ultime et de l’évidence primordiale, qui s’accompagne d’une intense sensation de liberté et de compassion envers le monde, d’un accord parfait avec le cours des choses. À travers nous l’univers se contemple, se réfléchit. Réfléchir, c’est refléter le monde. Cela dit, il ne faut jamais perdre de vue le fameux et génial conseil de Tao-hsin (579-651), quatrième patriarche du zen : « La méthode authentique consiste à ne rien faire de spécial ».