La poésie est d’abord une expérience. Expérience de l’éternité de l’instant présent et de l’universalité de l’endroit où l’on est, expérience de l’accord au cours des choses et de l’assentiment à ce qui est, éveil à l’identité de notre nature profonde et de l’univers. Traduite dans les mots, elle donne le poème. Le poème ainsi composé est éternel et universel. Ainsi celui de Yuan Mei (18e siècle):
décrivant ce qui se passe
bientôt la fin des prunes jaunes, le son de la pluie se fait rare
le sentier est couvert de mousse, le vert gagne mon vêtement
un vent violent se lève, la petite fenêtre n’a pas été fermée à temps
pétales de fleurs et manuscrits de poèmes ensemble s’envolent
Et celui de Tao Yuan ming (4e siècle):
consultant le Classique des montagnes et des mers
c’est le début de l’été, herbes et arbres poussent
les arbres prospères qui entourent la maison étendent leur ombrage
les oiseaux se réjouissent d’y trouver refuge
j’aime ma hutte moi aussi
comme j’ai déjà labouré et même semé,
j’ai du temps pour lire mes livres
mon allée est à l’écart, loin des grandes avenues,
même les carrosses des vieux amis font demi-tour
joyeux je bois le vin printanier,
et cueille des légumes dans le potager
une pluie légère vient de l’est,
un bon vent arrive avec elle
je feuillette l’Histoire du roi de Chou,
promène mon regard sur les gravures des montagnes et des mers
le temps de baisser la tête et de la relever, j’ai parcouru l’univers
pour se réjouir, que faut-il de plus?